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Habiba Msika décès d'une femme, naissance d'une légende

Photo du rédacteur: Yasmine MasmoudiYasmine Masmoudi

C'est dans les années 20 que la Tunisie va connaitre une grande émancipation non seulement en matière de culture, avec la prolifération de la musique, du théâtre et du chant mais par la révolte des conditions féminines de l'époque.

D'abord adoptée par les juives puis par les musulmanes une nouvelle image de la femme émane. C'est la femme libre qui veut aimer, séduire, et être indépendante. Cette période a aussi marqué le monde occidental surtout dans le milieu de la mode. Apparaissent alors les grands créateurs tels que Coco Chanel qui vont révolutionner les codes sociaux.

En 1899 ou 1900 nait Habiba Msika dans la ville de Testour en Tunisie. La jeune fille apprend et découvre l'art grâce à sa famille musicienne. Très vite elle devient adepte du piano et baigne ainsi dans la culture musicale juive dont elle fait partie.

Ses premiers pas dans le monde professionnel commencent dès qu'elle sait maitriser le luth et le chant. Elle passe souvent son temps dans le cabaret de sa tante maternelle, Leyla Sfez. Elle rencontre parmi les nombreux artistes qu'elle côtoie Acher Mizrahi, Braminou Berda et Hassan Banane qui ont un impact décisif sur sa vie.

En 1918, elle prend l'initiative de lancer sa carrière indépendante et divorce de son mari qu'elle ne désire pas. La voici maintenant libre et prête à s'envoler.

Elle gagne sa vie en chantant dans les fêtes, les mariages et quelques fois les premières parties de concerts.

Mais Habiba souhaite élargir encore plus son univers car en plus de sa vocation pour la musique, elle reste passionnée de théâtre.

Sa carrière est brutalement bouleversée lors de sa rencontre avec Mohamed Bourguiba, le frère ainé de Habib Bourguiba. Directeur artistique de sa troupe, As-Shahama al-adabiya (la fierté littéraire), il accompagne durant une dizaine d'années Habiba lui faisant découvrir les louanges du théâtre tunisien.



Interprétation de majnun layla par habiba msika



En avril 1920, Habiba empoche son premier rôle dans une pièce de théâtre intitulée; Saleheddine et dirigée par l'artiste libanais, Njib Al-Haddad. Puis elle est Desdemone dans Othello de Shakespeare. Elle continue son élan avec un rôle dans le médecin malgré lui de Molière. Elle joue ensuite Layla dans Majnun Layla.


À mesure qu'elle s'expose sur scène, elle gagne de plus en plus l'attention des tunisiens qui font d'elle une véritable vedette. Bientôt elle organise des tournées en Algérie, au Maroc où elle chante auprès du sultan Mohamed V, en Égypte, en France, en Italie et en Allemagne où elle enregistre des chants patriotiques pour les pays du Maghreb.

Elle rencontre un succès mondial. Les poètes les plus réputés de l'époque dont Mohamed Saïd El Khalsi et Mohamed Chedly Khaznadar lui livrent des textes dans lesquels ils s'extasient devant la beauté de sa voix époustouflante.


Sans être profondément ancrée dans la politique de son pays, Habiba garde néanmoins une flamme nationaliste. Et contre toute attente il fut naturel pour elle de se présenter sur scène drapée du drapeau tunisien et criant: "Vive la liberté" sous le regard choqué des spectateurs car la Tunisie reste sous le protectorat français. Les autorités escortent Habiba vers la prison. Heureusement elle n'y reste qu'une seule nuit et est libre le lendemain. Son acte est vu comme une victoire pour le parti nationaliste qui souhaite l'indépendance.


On peut sans doute penser que cela freinera la lancée de Habiba sauf qu'au contraire, elle engendre encore nombre de scandales qui nourrissent les journaux de la presse arabe.

Si Habiba continue ses interprétations dans les pièces de théâtre comme le Duc de Reichstadt dans L'aiglon ou Carmen dans Ruy Blas, elle est secouée par l'arrivée de Raoul Merle qui demeure son homme jusqu'à la fin de sa vie. Inutile de préciser qu'il est catholique et français car cela importe peu pour Habiba qui se fiche des mœurs.

Habiba Msika est à l'apogée de sa carrière. Les fans de la Diva se multiplient et parmi eux un certain Liahou Ben David Meimouni, un riche citadin tunisien. Son obsession pour la star dépasse le raisonnable. Il lui construit un palais immense et se persuade de la prendre comme épouse. Habiba plaisante au début de la situation sans penser que Meïmouni pourrait aller bien plus loin dans ses engagements.

Le mariage entre Habiba et Raoul déplait énormément à Meïmouni.

Pris d'une colère noire et incontrôlable, il devient fou. Alors le 21 février 1930, il entre par effraction dans la demeure de Habiba et pour se venger de celle qui lui a brisé le cœur, il verse de l'essence autour et sur le corps endormi de sa victime, et y met le feu. La folie de Meïmouni a finie par causer le décès et la disparition de Habiba Msika.

Ces œuvres auront pour toujours inspiré et véhiculé cette image propre à la Tunisie d'une société ouverte d'esprit, tolérante et solidaire.


Aujourd'hui elle doit être un model à suivre. La voix de la liberté et de l'émancipation qui est magnifiquement retranscrite dans le long métrage; la danse du feu, réalisé en 1995 par Salma Baccar.










Source: Le livre "les valeureuses, cinq tunisiennes dans l'histoire" de Sophie Bessis


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